Publié par le magazine Ma Yech, avril 2018
Au cours des derniers mois, deux
instituts, l’OCDE
et le Taub
Center ont publié des rapports fortement remarqués sur les défis
économiques d’Israël à long terme. Ces deux rapports convergent largement dans
leurs conclusions : Israël bénéficie de nombreux atouts mais doit investir
davantage pour trouver le chemin d’une croissance « inclusive ».
Israël a connu une croissance
moyenne de 3.3% par an de son PIB depuis 2000, une croissance supérieure à
celle de presque tous les autres pays de l’OCDE. Mais ce chiffre impressionnant, qui est dû avant tout au
dynamisme démographique du pays (la croissance annuelle de la population est de
2% contre 0.5% pour la moyenne de l’OCDE), cache d’importantes failles de son modèle
économique et d’importantes disparités.
En effet, la croissance de son
PIB par tête entre 2012 et 2017 n’a été que de 1.1% par an, inférieure à la
moyenne des pays de l’OCDE (1.4% par an). La productivité horaire en Israël reste
40% plus basse que la productivité moyenne parmi la moitié la plus avancée des
pays de l’OCDE, aucun rattrapage n’étant observé depuis 2000.
Cette stagnation de la
productivité a deux origines principales. La première est l’entrée récente sur
le marché du travail de populations peu qualifiées (haredim, arabes
israéliens), dont la productivité est plus basse que la moyenne. Or, cette
évolution est structurelle car haredim et arabes israéliens ont vu leur taux de
participation au marché du travail augmenter régulièrement au cours des dernières années
et car leur taux de natalité est nettement supérieur à la moyenne du pays, les
projections portant la proportion des haredim et arabes israéliens à 50% de la
population totale israélienne en 2060. Cela a de quoi inquiéter car ces
populations sont celles se caractérisant par le taux de pauvreté le plus élevé
et le niveau de formation le plus bas du pays.
La seconde origine de la
stagnation de productivité en Israël est le niveau très bas d’investissement en
Israël, à la fois de la part des entreprises (investissement privé) et de la
part du gouvernement (investissement public). Les dépenses d’investissement
sont en effet de 20% du PIB en Israël, l'un des niveaux les plus bas de l’OCDE. Ce
chiffre est d’autant plus préoccupant que l’investissement dans la construction
est plus élevé que la moyenne de l’OCDE et que les dépenses d’investissement
sont généralement plus élevées dans les pays affichant la plus importante
croissance démographique. La dépense publique est de 30% du PIB, nettement
inférieure à la moyenne de l’OCDE (proche de 45% du PIB). Le stock de capital
public est le deuxième plus bas de l’OCDE. Le trafic automobile par km de route
est le plus élevé de l’OCDE, et il est supérieur au double de celui du second
pays sur la liste, l’Espagne. La dépense éducative par habitant est très
faible, tout comme les dépenses de formation professionnelle et de formation
des personnes sans emploi. Les disparités éducatives sont parmi les plus
élevées des pays de l’OCDE. Le secteur high tech concentre les employés les
plus productifs et les mieux formés, avec des salaires 2.5 fois plus élevés que
dans le reste de l’économie. Cet écart de salaire place Israël loin devant tous
les autres pays de l’OCDE en termes d’écarts de salaires entre secteur high
tech et reste de l’économie (la moyenne de l’OCDE étant de 1.6). Le taux de
travailleurs "pauvres" (définis comme la proportion d'actifs dont
les revenus sont inférieurs à 50% de la médiane des salaires) est aussi l’un
des plus élevés de l’OCDE.
Les recommandations principales
du Taub Center et de l’OCDE pour améliorer cette situation consistent à élever
les dépenses d’investissement, de formation et d’infrastructures, notamment à
destination des populations avec les niveaux de formation et de productivité
les plus bas (haredim, arabes israéliens, habitants des régions
« périphériques »). L’effort doit se concentrer sur les dépenses
d’éducation et de transport.
Un autre aspect négatif de la situation
économique israélienne révélé par le rapport Taub est le niveau élevé des prix
en Israël. A niveaux de revenus par habitant égaux, les prix sont environ de
15% plus élevés en Israël que dans la moyenne des pays de l’OCDE (+17% par
rapport à la France, +40% par rapport aux Etats-Unis). Les efforts récents du
gouvernement israélien pour renforcer le niveau de concurrence dans l’économie
ont partiellement porté leurs fruits depuis 2013. On a vu en particulier les
prix à la consommation baisser de façon importante dans le secteur des
télécoms, des loisirs, de l’ameublement, des transports… Le niveau des prix à
la consommation a connu une inflation moyenne nulle depuis 2013. Les salaires
moyens ayant progressé de façon significative sur la même période, notamment du
fait du faible taux de chômage, le pouvoir d’achat a ainsi progressé de façon
plus importante que la moyenne de l’OCDE depuis 2008. La consommation privée
est même devenue le principal moteur de croissance du pays (l’investissement
étant faible, comme nous l’avons expliqué plus haut, et les exports étant
handicapés par le shekel fort).
Un autre enjeu important de
l’économie israélienne est le coût élevé du logement, en particulier à l’achat.
Israël
est en effet un des pays leaders de l’OCDE en termes des ratios prix du
logement/niveau général des prix et prix à l’achat/loyer, devant le Canada, et
juste derrière la Nouvelle-Zélande et la Turquie. Si la hausse du ratio
entre prix à l’achat et loyers a été stimulée par la baisse des taux d’intérêt
depuis la crise de 2008, elle traduit aussi probablement un comportement de
« bulle » : la demande d’achat est portée par des anticipations trop
optimistes sur l’évolution des prix. Le gouvernement israélien, et en
particulier le ministre de l’économie Moshe Kahlon, ont mis en œuvre certaines
mesures pour freiner la spéculation et pour augmenter l’offre de logement. Parallèlement,
la Banque d’Israël a mis en place de nouvelles restrictions sur la distribution
de crédit par les banques. On constate d’ailleurs depuis quelques mois une
légère baisse des prix de l’immobilier, accompagnée d’une chute importante des
transactions. L’économiste Alex
Zabezhinsky, chef économiste de Meitav Dash Investments, y voit les signes
précurseurs d’un éclatement de la bulle immobilière, avec des conséquences négatives
sur le crédit, la construction, la consommation privée et la croissance. Cette
situation est la principale préoccupation pour Israël sur le moyen terme.
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