Je voudrais expliquer ici pourquoi les investisseurs prêtent à la France à des taux aussi bas (moins de 1% à 10 ans) malgré ses déficits permanents depuis 40 ans.
Au contraire de la France, l'Italie est en excédent primaire (budget hors intérêt de la dette) et emprunte à des taux nettement plus élevés que la France (plus de 2% à 10 ans).
Pour le comprendre, il faut introduire la notion "d'actifs sûrs" ou "refuge". Les actifs sûrs sont vus par les investisseurs comme ceux ne pouvant subir de défauts de remboursement et comme ceux dont le prix de marché monte quand les actions baissent.
Ces actifs ont donc un rôle de protection du capital et même de couverture des risques dans les portefeuilles d'investissement.
Depuis le début de la crise de l'euro, les investisseurs distinguent les dettes "sûres" (France, Allemagne, Pays-Bas, Autriche...) des dettes "risquées" (pays peripheriques: Espagne, Italie, Grèce etc.) en zone euro.
Le critère de sélection n'est pas fondé sur l'équilibre budgétaire ni sur le ratio dette/pib ni même sur l'endettement extérieur (l'Italie est peu endettée vis à vis de l'extérieur) mais sur principalement l'état des banques, dont les États sont considérés en zone euro (à juste titre) comme les garants.
L'état des banques provenant lui même de l'endettement privé accumulé avant la crise...
Ainsi les émetteurs sûrs tirent profit de la crise de ce point de vue car ils attirent vers eux toute l'épargne mondiale en euros (y compris celle provenant des pays périphériques).
Au contraire, les émetteurs risqués se trouvent dans une spirale combinant surendettement privé, taux réels trop élevés, demande déprimée, austerite budgetaire, et risque de défaut souverain.
Cette fragmentation financière explique la divergence economique entre pays de la zone euro: les pays les plus endettés sont ceux qui auraient besoin des taux réels les plus bas et qui ont en fait les taux réels les plus élevés.
La France peut-elle basculer du côté des dettes risquées (comme le prédisent les libéraux depuis la crise grecque de 2010)?
Difficilement, car alors le poids des pays sûrs deviendrait trop faible pour assurer les pays risqués et le système financier mondial s'effondrerait (obligeant la BCE à intervenir pour conforter le statut d'émetteur sûr de la France).
La France peut donc se permettre de désobéir aux règles européennes sans avoir à craindre de subir une "attaque" des marchés.
Un levier politique considérable resté pour l'instant inexploité....
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