Publié par le magazine Ma Yech, septembre 2016
Cette année, à partir du 8 août, l’Humanité a commencé, selon la méthodologie conçue par les chercheurs du Global Footprint Network, à creuser sa « dette écologique ».
Cette année, à partir du 8 août, l’Humanité a commencé, selon la méthodologie conçue par les chercheurs du Global Footprint Network, à creuser sa « dette écologique ».
Sur quoi se fonde ce
calcul ?
Tous les aliments que nous
consommons et les déchets biologiques que nous émettons (résidus de récoltes,
dioxide de carbone…) sont, pour les premiers, produits, et pour les second, éliminés, à l’aide de terres
« biologiquement productives » (terres cultivables, forêts, eaux de
pêche…). Par exemple, les terres cultivables permettent de produire les
substances végétales nécessaires à l’alimentation humaine, mais aussi de
nourrir le bétail ; les forêts capturent le dioxide de carbone émis par
les activités humaines ainsi que par le bétail etc. Chaque année, il est
possible d’estimer « l’empreinte écologique » de l’Humanité,
c’est-à-dire la quantité de terres productives nécessaires pour produire de
façon soutenable les ressources que nous consommons (aliments végétaux, bois,
viande, poissons…) et pour absorber les déchets biologiques que nous émettons. Lorsque cette quantité dépasse la
« capacité biologique », c’est-à-dire les ressources de terres
productives réellement disponibles, alors, nous réalisons ce que les chercheurs
appellent un « déficit écologique ». Si la notion d’«empreinte
écologique » permet d’agréger sous forme d’une unique mesure exprimée en
hectares des impacts aussi disparates que la ponction de certaines ressources
renouvelables et les émissions de gaz à effet de serre, elle est
fondamentalement inadéquate pour prendre en compte d’autres types d’impacts écologiques
comme ceux portant sur l’eau et les déchets toxiques, qui ne sont pas mesurables
sous la même forme. De façon générale, un déficit écologique peut correspondre à
l’accumulation de déchets dans l’environnement ou encore à la surexploitation
des ressources menant à la dégradation (parfois irréversible) des capacités
biologiques (chute des rendements des terres cultivables, du niveau des nappes
phréatiques, des stocks de poissons, des espaces forestiers…).
Pour simplifier et représenter de
façon plus concrète la notion de « déficit écologique », les experts du
Global Footprint Network ont défini le « Earth
Overshoot Day », le jour de l’année à partir duquel l’Humanité a achevé
de consommer tous les services que la planète est capable de générer de façon
soutenable en une année : tous les jours suivants, l’Humanité vit donc à
« crédit », c’est-à-dire aux dépens des générations futures. En
1960, l’Humanité n’utilisait environ que ¾ de la capacité biologique annuelle
disponible. C’est dans les années 70 que le développement économique et
démographique dans les pays émergents et l’évolution des habitudes de
consommation ont conduit à une situation de déficit écologique. Depuis lors,
chaque année, le « Earth Overshoot Day » avance dans le calendrier,
reflétant la façon dont l’humanité creuse sa « dette écologique ». En
1993, ce jour est tombé le 21 octobre. En 2003, il est tombé le 22 septembre et
en 2016, le 8 août. Les experts relèvent cependant une note positive :
alors que le « Earth Overshoot Day » avançait de trois jours par an
en moyenne depuis les années 70, il n’avance plus que d’un jour par an en
moyenne depuis 5 ans. Ainsi, si nous continuons à creuser notre dette
écologique, nous le faisons à un rythme de moins en moins rapide.
Autre observation
d’importance : l’empreinte écologique mesurée en hectares par tête est
nettement supérieure dans les pays développés (8.2 hectares par tête aux
Etats-Unis, 6.2 hectares par tête en Israël, 5.1 hectares par tête en France)
que dans les pays en voie de développement (3.2 hectares par tête en Chine, 1.2
hectares par tête en Inde). Il est
possible de mesurer, nation par nation, le déficit écologique, défini comme le
solde entre la capacité biologique (terres productives disponibles au niveau
national) et l’empreinte écologique (terres nécessaires pour supporter la
consommation et les déchets réalisés annuellement au niveau national). En ce
qui concerne Israël, le déficit écologique est de près de 6 hectares par an par
habitant, supérieur à celui des Etats-Unis (4.5 hectares par an par habitant)
et de la France (2 hectares par habitant). Toutefois, ces données datent de
2012, avant donc la mutation
de l’économie israélienne, qui a vu le remplacement progressif du pétrole
et du charbon par le gaz naturel du champ israélien de Tamar à partir de 2012.
Le déficit écologique d’une nation est un indicateur de sa vulnérabilité
économique latente par rapport au scénario de plus en plus probable où les
coûts associés aux impacts écologiques deviendraient internalisés par les
acteurs économiques. La COP21, qui s’est tenue à Paris fin 2015, a en effet
marqué un engagement
global des grands acteurs mondiaux à contenir l’augmentation de la température
mondiale à moins de 2°C d’ici la fin du siècle, un objectif qui semble de plus
en plus hors
de portée.
Quatre axes complémentaires d’action
pourraient permettre à l’Humanité de retrouver un mode de développement
soutenable sur le long terme.
Premièrement, il est urgent de
réviser profondément nos modes de consommation. Au niveau alimentaire, il
convient de réduire la consommation de viande, dont l’empreinte
écologique est considérable, à la fois en termes d’utilisation des terres,
de consommation d’eau et d’émission de gaz à effets de serre. Des
investissements majeurs doivent être réalisés pour promouvoir l’économie circulaire, et
pour repenser l’habitat et le transport afin d’en réduire l’empreinte
écologique.
Le second axe consiste à réformer
en profondeur nos modes de production. En ce qui concerne la production
d’énergie, les derniers développements technologiques permettent d’entrevoir dès
2020 la possibilité non seulement de produire de l’énergie solaire
et éolienne
à prix accessible mais également de maîtriser le problème de l’intermittence de
ces énergies grâce à des systèmes
fiables et low cost de stockage d’électricité. Concernant la production
alimentaire et la préservation des écosystèmes, il nous faut engager la révolution
« doublement verte », qui combine les apports de la recherche
agronomique et de l'agro-écologie pour non seulement obtenir des rendements
agricoles élevés, mais assurer également leur pérennité.
Troisièmement, il nous faudra
fournir aux acteurs économiques les
signaux et incitations monétaires adaptés pour financer la transition
écologique de la planète et favoriser l’émergence d’une agriculture durable, en
particulier dans les pays les plus pauvres.
Quatrièmement, des efforts
doivent être faits pour distribuer de façon plus rationnelle et équitable la
production agricole. Près
de 800 millions d’êtres humains souffrent en effet de malnutrition (la
plupart d’entre eux en Asie et en Afrique Subsaharienne) alors qu’au contraire
un milliard de personnes sont suralimentés et qu’un
tiers de la nourriture produite aujourd’hui dans le monde n’est pas consommée.
Satisfaire les besoins essentiels
de 9 milliards d’individus que comptera l’espèce humaine en 2050 est loin
d’être impossible. Cependant, il nous faut pour y parvenir un niveau de
conscience et de volonté collectives qui pour l’instant font défaut. Or, comme
nous le rappelle l’anthropologue Jared Diamond, de grandes civilisations se
sont effondrées faute d’avoir anticipé suffisamment à l’avance les problèmes
écologiques posés par leur développement. Pour la première fois dans l’Histoire
de l’Humanité, c’est l’espèce humaine toute entière qui est menacée
d’effondrement.
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