Publié par le magazine Ma Yesh, mars 2017
La
croissance du PIB israélien vient d’être révisée à la hausse à 4% pour
l’année 2016, suite à une croissance record de plus de 6% pour le quatrième
trimestre. Cette croissance record du quatrième trimestre a été tirée notamment
par les exportations (+ 11%), par les ventes de voitures (+30%) ainsi que par
la construction (+ 11%).
Le gouverneur de la Banque
d’Israël Karnit Flug a récemment déclaré
que l’économie israélienne, avec son taux de chômage à 4%, se trouvait très
proche du plein emploi. Même au plus fort de la crise financière, le chômage
israélien n’a jamais dépassé 8%, retombant sous les 7% dès 2010, alors même que
le chômage en zone euro n’est plus passé sous les 10% de 2010 à 2016... En
conséquence de ce dynamisme du marché de l’emploi, une hausse des salaires significative
a pu être observée. Cette hausse ne concerne plus seulement le secteur du high
tech, où l’on observe une véritable pénurie de talents, mais l’ensemble de la
population active. Entre 2007 et 2014, les employés peu qualifiés ont même vu
leur revenu augmenter davantage que les plus hauts salaires, plaçant Israël
dans une position très enviable par rapport à la majorité des autres pays de l’OCDE,
qui ont vu les revenus des salariés peu qualifiés baisser et les inégalités
salariales se renforcer à partir de la crise financière de 2008. Dans le même
temps, l’indice général des prix israélien baisse depuis plus de deux ans et
les prix immobiliers commencent même également à s’infléchir sur la période la
plus récente. Hausse des salaires, baisse des prix, la conclusion est sans
appel : le pouvoir d’achat des israéliens augmente, de façon plus forte et
plus uniforme que dans la plupart des autres pays développés.
On ne peut enlever au premier
ministre Benyamin Netanyahu sa part dans ce succès.
Israël a connu depuis la crise
économique de 2002 et l’arrivée de Netanyahu au poste de ministre des finances
en 2003, une véritable révolution économique, consistant en une brutale remise
en cause de l’Etat-Providence et une libéralisation progressive de l’économie.
Cette transformation, qui allait se poursuivre sous les trois nouveaux mandats
de Netanyahu en tant que premier ministre (de 2009 à aujourd’hui), a favorisé l’arrivée
de nouveaux entrants sur le marché du travail (hommes ultra-orthodoxes, femmes
israéliennes en général, et arabes israéliennes en particulier etc.), qui
auparavant vivaient essentiellement de subventions, et porté le taux d’emploi des
personnes âgées entre 35 et 54 ans de 70% à plus de 80%, un taux en phase avec
la moyenne des pays développés. Parallèlement, le taux de chômage est passé de
11% à 4% et la dette publique de 95% à 62% du PIB sur la période.
Cependant, l’économiste israélien
Dan Ben-David, spécialiste de ces questions, a récemment pointé
les problèmes qualitatifs derrière cette amélioration quantitative
du taux d’emploi. Israël est certes parvenu à intégrer une partie plus
importante de sa main d’œuvre dans le marché du travail mais le niveau de
qualification de ces nouveaux entrants est souvent insuffisant pour leur
permettre d’améliorer significativement leur niveau de vie. En cette matière,
le pays pâtit lourdement du manque d’investissement dans son capital humain. Certes,
le taux d’israéliens en âge de travailler possédant un diplôme est parmi les
plus élevés des pays de l’OCDE (31%). Mais le taux de
dépenses éducatives par élèves était en 2010 de 30% inférieur à la moyenne de
l’OCDE. La productivité de la main d’œuvre israélienne est de 40%
inférieure à celle des Etats-Unis et de 25% inférieure à la moyenne de l’OCDE. Israël
a le plus fort taux de travailleurs pauvres parmi les pays de l’OCDE mais ne
dépense qu’un quart de la moyenne des pays de l’OCDE dans la formation
professionnelle. Israël n’arrive qu’autour de la quarantième place mondiale du
classement PISA (évaluant chaque pays sur la performance de son système
éducatif) et a le plus fort taux d’”élèves faibles” parmi les nations
développées.
Le sous-investissement éducatif grève
les perspectives d’augmentation de la productivité et du niveau de vie des classes
populaires, d’autant plus que les subventions et services publics dont ils
jouissaient ont subi des coupes sombres à partir de 2003. Certes, les
inégalités de revenus avant transferts sociaux et impôts ont diminué depuis
2000, grâce notamment à la hausse du taux d’emploi. Mais les inégalités sur les
revenus disponibles (après transferts sociaux et impôts) ont augmenté
sur la même période (baissant cependant légèrement depuis 2010). Israël
affichait ainsi en 2013 le deuxième niveau d’inégalités le plus élevé (après
les Etats-Unis) sur les revenus après impôts et transferts au sein de l’OCDE. Ces
observations montrent que les politiques d’inclusion sociale des populations
auparavant « assistées » ont partiellement porté leurs fruits mais
que, dans le même temps, le
système de redistribution sociale destiné à soutenir les plus fragiles s’est
affaissé. Au global, ces deux effets combinés n’ont pas permis aux plus bas
revenus de rattraper les plus riches.
Aux inégalités de revenus, il
faut ajouter l’explosion du coût du logement, qui
affecte de façon beaucoup plus importante les classes populaires et moyennes
que les catégories sociales supérieures. Ainsi peut être expliquée la « révolte
des tentes » de 2011, qui, de façon inédite pour Israël, a réuni des
centaines de milliers de manifestants de toutes catégories sociales et religieuses
contre le coût de la vie et la détérioration des services de santé et
d’éducation.
Fortes inégalités de revenus, casse
de l’Etat-Providence depuis 2003 qui rend impossible leur correction et conduit
à un sous-investissement chronique dans le capital humain, explosion du coût du
logement, importante fracture du pays entre son « centre » et sa
« périphérie » sont les cancers qui hypothèquent l’avenir des classes
populaires.
La croissance économique tonique
des dernières années, la baisse de la dette publique à un niveau très inférieur
à la moyenne des pays de l’OCDE, les
futures rentrées fiscales liées à l’export de gaz naturel, vont offrir au
pays d’importantes marges de manœuvre budgétaires pour panser ses plaies. Mais,
compte tenu du délabrement de la gauche et de la polarisation du débat
politique autour des problématiques sécuritaires et identitaires, il n’est pas
certain que ces marges de manœuvre soient exploitées.
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