lundi 9 avril 2018

Les défis économiques d’Israël à moyen et long terme

Publié par le magazine Ma Yech, avril 2018

Au cours des derniers mois, deux instituts, l’OCDE et le Taub Center ont publié des rapports fortement remarqués sur les défis économiques d’Israël à long terme. Ces deux rapports convergent largement dans leurs conclusions : Israël bénéficie de nombreux atouts mais doit investir davantage pour trouver le chemin d’une croissance « inclusive ».

Israël a connu une croissance moyenne de 3.3% par an de son PIB depuis 2000, une croissance supérieure à celle de presque tous les autres pays de l’OCDE. Mais ce chiffre  impressionnant, qui est dû avant tout au dynamisme démographique du pays (la croissance annuelle de la population est de 2% contre 0.5% pour la moyenne de l’OCDE),  cache d’importantes failles de son modèle économique et d’importantes disparités.

En effet, la croissance de son PIB par tête entre 2012 et 2017 n’a été que de 1.1% par an, inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE (1.4% par an). La productivité horaire en Israël reste 40% plus basse que la productivité moyenne parmi la moitié la plus avancée des pays de l’OCDE, aucun rattrapage n’étant observé depuis 2000.

Cette stagnation de la productivité a deux origines principales. La première est l’entrée récente sur le marché du travail de populations peu qualifiées (haredim, arabes israéliens), dont la productivité est plus basse que la moyenne. Or, cette évolution est structurelle car haredim et arabes israéliens ont vu leur taux de participation au marché du travail augmenter régulièrement au cours des dernières années et car leur taux de natalité est nettement supérieur à la moyenne du pays, les projections portant la proportion des haredim et arabes israéliens à 50% de la population totale israélienne en 2060. Cela a de quoi inquiéter car ces populations sont celles se caractérisant par le taux de pauvreté le plus élevé et le niveau de formation le plus bas du pays.

La seconde origine de la stagnation de productivité en Israël est le niveau très bas d’investissement en Israël, à la fois de la part des entreprises (investissement privé) et de la part du gouvernement (investissement public). Les dépenses d’investissement sont en effet de 20% du PIB en Israël, l'un des niveaux les plus bas de l’OCDE. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant que l’investissement dans la construction est plus élevé que la moyenne de l’OCDE et que les dépenses d’investissement sont généralement plus élevées dans les pays affichant la plus importante croissance démographique. La dépense publique est de 30% du PIB, nettement inférieure à la moyenne de l’OCDE (proche de 45% du PIB). Le stock de capital public est le deuxième plus bas de l’OCDE. Le trafic automobile par km de route est le plus élevé de l’OCDE, et il est supérieur au double de celui du second pays sur la liste, l’Espagne. La dépense éducative par habitant est très faible, tout comme les dépenses de formation professionnelle et de formation des personnes sans emploi. Les disparités éducatives sont parmi les plus élevées des pays de l’OCDE. Le secteur high tech concentre les employés les plus productifs et les mieux formés, avec des salaires 2.5 fois plus élevés que dans le reste de l’économie. Cet écart de salaire place Israël loin devant tous les autres pays de l’OCDE en termes d’écarts de salaires entre secteur high tech et reste de l’économie (la moyenne de l’OCDE étant de 1.6). Le taux de travailleurs "pauvres"  (définis comme la proportion d'actifs dont les revenus sont inférieurs à 50% de la médiane des salaires) est aussi l’un des plus élevés de l’OCDE.

Les recommandations principales du Taub Center et de l’OCDE pour améliorer cette situation consistent à élever les dépenses d’investissement, de formation et d’infrastructures, notamment à destination des populations avec les niveaux de formation et de productivité les plus bas (haredim, arabes israéliens, habitants des régions « périphériques »). L’effort doit se concentrer sur les dépenses d’éducation et de transport.

Un autre aspect négatif de la situation économique israélienne révélé par le rapport Taub est le niveau élevé des prix en Israël. A niveaux de revenus par habitant égaux, les prix sont environ de 15% plus élevés en Israël que dans la moyenne des pays de l’OCDE (+17% par rapport à la France, +40% par rapport aux Etats-Unis). Les efforts récents du gouvernement israélien pour renforcer le niveau de concurrence dans l’économie ont partiellement porté leurs fruits depuis 2013. On a vu en particulier les prix à la consommation baisser de façon importante dans le secteur des télécoms, des loisirs, de l’ameublement, des transports… Le niveau des prix à la consommation a connu une inflation moyenne nulle depuis 2013. Les salaires moyens ayant progressé de façon significative sur la même période, notamment du fait du faible taux de chômage, le pouvoir d’achat a ainsi progressé de façon plus importante que la moyenne de l’OCDE depuis 2008. La consommation privée est même devenue le principal moteur de croissance du pays (l’investissement étant faible, comme nous l’avons expliqué plus haut, et les exports étant handicapés par le shekel fort).

Un autre enjeu important de l’économie israélienne est le coût élevé du logement, en particulier à l’achat. Israël est en effet un des pays leaders de l’OCDE en termes des ratios prix du logement/niveau général des prix et prix à l’achat/loyer, devant le Canada, et juste derrière la Nouvelle-Zélande et la Turquie. Si la hausse du ratio entre prix à l’achat et loyers a été stimulée par la baisse des taux d’intérêt depuis la crise de 2008, elle traduit aussi probablement un comportement de « bulle » : la demande d’achat est portée par des anticipations trop optimistes sur l’évolution des prix. Le gouvernement israélien, et en particulier le ministre de l’économie Moshe Kahlon, ont mis en œuvre certaines mesures pour freiner la spéculation et pour augmenter l’offre de logement. Parallèlement, la Banque d’Israël a mis en place de nouvelles restrictions sur la distribution de crédit par les banques. On constate d’ailleurs depuis quelques mois une légère baisse des prix de l’immobilier, accompagnée d’une chute importante des transactions. L’économiste Alex Zabezhinsky, chef économiste de Meitav Dash Investments, y voit les signes précurseurs d’un éclatement de la bulle immobilière, avec des conséquences négatives sur le crédit, la construction, la consommation privée et la croissance. Cette situation est la principale préoccupation pour Israël sur le moyen terme.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire