jeudi 20 juillet 2017

Dette, monnaie, banques etc. 6)

Dans la précédente note, j'ai évoqué deux outils de régulation de l'offre de monnaie par la puissance publique: la création de "monnaie de base" par la banque centrale et l'émission de dette publique par l'Etat.

Ces deux approches ne sont pas équivalentes dans leurs impacts:

1) quand la banque centrale émet de la monnaie de base pour acheter des actifs, elle n'enrichit pas directement le secteur privé: le secteur privé est dépossédé des actifs financiers achetés par la banque centrale et acquiert à la place de la monnaie. Il se produit un échange "actifs contre monnaie". L'enrichissement du secteur privé est indirect via "l'effet richesse": le prix des actifs libellés dans la monnaie émise s'apprécie, ce qui bénéficie aux détenteurs d'actifs. L'inconvénient de cette "relance financière" de l'économie est qu'elle bénéficie aux détenteurs de capital, capital qui se trouve être particulièrement concentré chez les plus aisés. En pratique, on observe une déconnexion importante entre la nouvelle quantité de monnaie émise par la banque centrale et la variation de masse monétaire globale en circulation: la monnaie de base ne se traduit pas en nouveaux crédits de la part des banques privées. Ceci est d'autant plus vrai quand le problème de surendettement privé et des bilans bancaires dégradés est laissé sans réponse par les autorités, ce qui est par exemple le cas dasn une bonne partie de l'Europe du Sud aujourd'hui.

2) quand l'Etat émet de la dette, le secteur privé se trouve en possession d'un nouvel actif (la nouvelle dette publique émise), sans qu'il soit dépossédé d'un autre actif. Il y a donc enrichissement immédiat. Les néo-classiques expliquent que la richesse qui est créée d'un côté est annulée de l'autre par l'augmentation de la dette publique: les "anticipations rationnelles" déjouent selon eux l'effet de cette relance car les acteurs anticipent de futures hausses d'impôt pour ramener la dette publique à son niveau antérieur et donc se mettent à épargner davantage. Les analyses empiriques concluent que l'hypothèse néo-classique est fausse en général, et en particulier dans les crises. Le multiplicateur fiscal, qui décrit l'impact sur le PIB d'une impulsion budgétaire positive, a été récemment estimé à 1.5 par le FMI dans les pays de l'OCDE quand les taux directeurs de la banque centrale sont nuls comme aujourd'hui: une hausse des dépenses publiques de 1 point de PIB conduit à un accroissement du PIB de 1.5%.  Ceci se comprend bien: dans de telles situations, où le secteur privé est surendetté, le chômage est élevée et l'économie en surcapacité, les acteurs surendettés redeviennent solvables, les bilans bancaires s'assainissent, de nombreux acteurs économiques appauvris dépensent immédiatement leurs nouveaux revenus tandis que les entreprises embauchent et investissent voyant leurs carnets de commandes repartir. 
L'enrichissement du secteur privé apporté par la relance budgétaire est donc double: a) à travers la possession par le secteur privé de la nouvelle dette émise b) à travers l'augmentation de la dépense et des revenus. D'autre part, cet impact n'est pas localisé uniquement sur les plus hauts revenus, l'Etat pouvant par exemple choisir d'augmenter ses dépenses dans des secteurs employant une main d'oeuvre domestique faiblement ou moyennement qualifiée.

Ses avertissements ont pour l'instant été sans effet sur les décideurs politiques en zone euro....




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